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Obligation du drapeau européen : des petites communes s’indignent

Dans la nuit du 10 au 11 mai, l’Assemblée nationale a voté l’obligation d’afficher les drapeaux européens et français. Une proposition de loi, à l’origine du parti Renaissance, rendu valable seulement pour les communes de plus de 1500 habitants. En Charente-Maritime, de nombreux maires désapprouvent cette loi « inutile » et « anecdotique ».

Il y a une semaine de cela, et au terme d’un débat tendu, l’Assemblée a fini par trancher : les députés ont voté une proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européens sur le fronton des mairies. Une mesure valable uniquement pour les municipalités dénombrant plus de 1500 habitants. Les communes n’affichant pas cette jauge, c’est-à-dire environ 70%, ne sont pas concernées par cette mesure pour des raisons financières. Une loi acceptée en première lecture, en attendant le verdict du Sénat.

L’opposition consternée par la mesure

Orchestrée par le parti Renaissance, cette législation a pour but de « renforcer l’unité de la pratique du pavoisement sur le territoire », selon les mots de Mathieu Lefèvre, rapporteur de la loi. Une proposition à portée « symbolique » et non « anecdotique », visant à soutenir « une pratique qui est répandue », immédiatement contestée par l’opposition. Un texte « sans consistance et sans intérêt, contraire au principe de libre administration des communes », avait assené Antoine Léaument, député LFI. « Un texte
inutile, qui ne répond évidemment pas aux préoccupations des Français
», a déclaré le député Rassemblement national Yoann Gilet, peu avant l’adoption. Loin de l’agitation parisienne, les voix se sont également élevées. De nombreux élus locaux ne saisissent pas « l’utilité » et le « timing » de cette réforme.

Une loi qui exclut les petites communes

Depuis l’officialisation du texte, la loi a reçu un accueil plus que mitigé chez les élus locaux. En effet, la proposition de texte écarte les communes de moins de 1500 âmes. « Notre mairie est attachée aux valeurs républicaines mais il ne faut pas tout confondre. Ce n’est pas normal de faire la différence entre les mairies. », explique Patricia Delaroy, secrétaire à la mairie de Laigne. Une mise à l’écart énigmatique partagée par Laurence Bourdezeau, maire de Saint-Maigran, à la tête d’une commune d’environ 500 habitants : « Ça me parait normal d’afficher le portrait du Président. Cependant, je trouve cela regrettable et illogique de créer un distinguo entre les mairies. Pourquoi sommes nous mis de côté? Exclure les petites communes, c’est contraire à l’égalité républicaine. » Pour les communes au-dessus de la barre des 1500 habitants, la loi est assouplie. Les municipalités peuvent afficher l’étendard tricolore et européen « à proximité directe ou sur le toit des mairies », selon le site « Vie Publique ». Cependant, la plupart des frontons brandissent de plein gré les deux drapeaux. « Nous n’avons pas de problème à brandir les drapeaux français et européen. Cela fait plusieurs années qu’ils sont sur le fronton de notre mairie. S’il y’avait un drapeau de la Terre, je mettais le drapeau de la Terre », affirme fièrement Patrick Chatelain, maire de Chadenac.

Les maires jugent cette réforme « secondaire »

Quand il s’agit d’évoquer la récente mesure, certains élus se plient sans broncher: « Notre drapeau national est évidemment exposé», clame Jean-Michel Soussin, maire de Genouillé, petite cité au nord du département. Pour d’autres, cette loi macroniste est jugée incohérente quant aux priorités du quotidien. « Cette réforme est secondaire et dérisoire, surtout au vu du contexte social actuel », accentue M. Delaroy. Pour eux, la priorité est ailleurs. « Pour les petites communes, de nombreux dossiers sont bien plus
importants, comme par exemple le pouvoir d’achat
», analyse Laurence Bourdezeau, maire de Saint-Maigrain. Une texte malvenu, donc, relégué au second plan dans les projets municipaux. Partisan pour élever haut la bannière nationale, Jean-Michel Soussin alerte « que rien n’est important dans cette réforme ». De son côté, Patrick Chatelin énumère les « problèmes » de sa ville. « On doit d’abord finaliser les travaux de la mairie, en attendant les subventions de la préfecture, y’a plein d’autres choses à faire avant », cite-t-il par exemple. « C’est de la symbolique, ce n’est pas un problème quotidien. Cette
loi doit en aucun cas déboucher sur de longs débats. C’est une mesure anecdotique
. »

Le portrait du Président rendu obligatoire

De plus, les députés ont voté un amendement garantissant l’obligation d’exposer le portrait officiel du président Macron. Deux autres changements ont été apportés : les mairies devront apposer la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » sur le devant des mairies et la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à l’intérieur de l’hôtel de ville.

Pour les macronistes, la date de l’examen, prévue le 9 mai dernier, ne relevait en rien du hasard. Puisqu’elle survenait lors de la « Journée de l’Europe », en référence à la déclaration de Robert Schuman, considéré comme un texte fondamental dans la construction européenne.

Aurèle TOUEILLE

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